mardi 12 octobre 2010

L'interview de Nicolas Levi aka CrocMonsieur

Lundi, j'ai passé 34 minutes au téléphone avec un Français plutôt brillant sur le circuit européen : Nicolas Levi.

Très disponible malgré un emploi du temps chargé, CrocMonsieur a répondu à mes questions pour un article sur 20minutes.fr [à lire en cliquant ici].

Si je vous raconte cela c'est que les impératifs de publication du site web du journal gratuit font qu'une partie des réponses de Nicolas ont été coupées. La version originelle de l'interview de Nicolas Levi est donc en fin de ce billet.

Dans les réponses du joueur pro, l'observateur averti pourra trouver une foule de conseils pour progresser... mais, avant de pouvoir exercer vos talents de lecteur, juste un petit mot sur les commentaires qui accompagnent l'article sur 20minutes.fr:

- Non ce n'est pas un papier commandé par Winamax mais les résultats de Nicolas qui lui permettent cette exposition !




A 28 ans, Nicolas Levi est considéré par les spécialistes du poker de tournoi comme un des meilleurs joueurs européen. Avec déjà 4 ans d'expérience sur le circuit, le membre de la Team Winamax nous présente son métier de joueur de poker

Bonjour Nicolas, lorsque vous rencontrez des inconnus, vous présentez-vous comme un joueur de poker professionnel ?
Oui, sans aucun problème. Je crois que ce n'est plus un tabou car il y a un facteur médiatique énorme. Je ne le cache donc pas. C'est encore plus vrai à la table quand je joue avec des amateurs qui ne me connaissent pas. Ils sont très contents de pouvoir se mesurer à un pro.

Comment devient-on joueur de poker professionnel ?
Etudiant expatrié en Angleterre, j'abordais ma quatrième année et je me suis rendu compte que l'informatique n'était pas ma vocation. Nous étions en 2004 et je jouais à pas mal de jeux... j'ai alors découvert le poker. J'ai déposé 20 dollars sur internet que j'ai vite perdu. J'ai remis la même somme et j'en suis vite arrivé à jouer trois heures par jour. Au bout d'un moment, je gagnais plus que ce que peut espérer un informaticien débutant... et j'ai fait le choix de jouer au poker pour gagner ma vie.

L'ascension de CrocMonsieur pouvait débuter...
Ce surnom est du au fait que j'habitais loin de chez moi depuis des années. Je cherchais quelque chose qui fasse Français et soit reconnaissable mais surtout quelque chose qui ne fasse pas trop "killer" ou prise de tête. CrocMonsieur, ca sonnait bien...

Avec votre chapeau toujours vissé sur la tête, vous faites aujourd'hui parti des joueurs les plus reconnaissables du circuit ... Est-ce une stratégie ?
Lorsque j'ai fait la transition entre le jeu sur internet et les parties réelles, je cherchais mon style et je me suis créé un personnage. Quand j'arrivais à une table, les gens ne savaient pas dans quelle case me mettre... ce qui est un avantage au poker. Il y a plusieurs styles gagnants à ce jeu mais je crois avant tout qu'il faut rester naturel. Dans la vie, je suis bavard et social donc, en général, je ne vais pas changer à la table. Etre agréable t'évites en plus de tomber dans la monotonie du jeu. Le poker est un combat d'informations, donc plus tu discutes et plus tu peux pousser certaines personnes à en révéler beaucoup plus que ce qu'elles voudraient...

Etre un professionnel sponsorisé par Winamax vous oblige à jouer beaucoup de tournois, avez-vous compté les kilomètres effectués depuis le début de l'année 2010 ?
Entre les multiples voyages en Europe et le passage à Las Vegas, nous bougeons beaucoup c'est vrai. Avec la série de tournois à Paris, les European Poker Tour à Vienne et Barcelone et le World Poker Tour au Maroc, la fin d'année s'annonce chargée mais c'est un choix de vie ! Personnellement c'est ce que je voulais et je m'éclate sur le circuit. Après, c'est vrai que j'ai maintenant le loisir de choisir mes destinations et de faire une pause si je le veux. Avant [mon sponsoring, ndlr), je choisissais mes tournois en fonction du retour sur investissement supposé. Il fallait des hôtels pas trop chers à côté du casino, tenter de calculer où iraient les meilleurs joueurs pour qu'il n'y en ait pas trop de présents...

La vie de joueur professionnel est donc tout sauf un long fleuve tranquille ?
La liberté que j'ai me motive pour continuer mais cette vie n'est pas forcément facile et faite pour tous. Il y a eu des moments difficiles et il ne faut jamais avoir peur de dire stop quand la période est trop négative. De mon côté, j'arrive bien à gérer le côté valise-avion-hôtel malgré les 120 jours de déplacement annuel...

Le fait d'évoluer dans une équipe est-il un avantage ?
Le poker est un jeu solitaire, il faut donc avoir des amis pour vous soutenir en cas de besoin. Le fait d'être ensemble sur les tournois permet de penser à autre chose sans être seul contre tous. Certains joueurs sont dans cette optique, une optique très vite usante. Je suis partisan du partage hors de la table. En plus, Winamax a recruté un coach. L'arrivée de Stéphane Matheu est un gros plus pour nous, il nous simplifie la vie et nous met dans les meilleurs conditions pour être performant.

Après quatre ans sur le circuit professionnel, vous ne ressentez pas de lassitude ?
Le poker professionnel sur le circuit reste une famille. C'est un peu comme une caravane qui se déplace et tu retrouves les mêmes têtes un peu partout dans le monde. Ce qui est enrichissant, c'est que tu rencontres des gens différents, des gens d'une autre génération que la tienne...

Vous accomplissez votre meilleure saison avec 500 000 dollars de gains en 2010. Comment garder les pieds sur terre ?
Il ne faut pas s'enlever du crédit en cas de succès et surtout ne pas se jeter la pierre quand on perd. Il faut se remettre en question et analyser son jeu. Je pense que j'ai bien travaillé et que cela paye. J'ai toujours chercher à apprendre et c'est probablement aussi la maturité. Aujourd'hui, à la table, je contiens mieux mes pulsions et je reste cartésien. Je crois que l'arrivée de Stéphane (Matheu) y est pour beaucoup...

Aujourd'hui, considérez vous le poker comme un jeu ou bien est-ce votre métier avant tout ?
Je prends beaucoup de plaisir à jouer. Le rush d'adrénaline et l'excitation sont encore très présents mais ce plaisir, c'est celui de la haute compétition, pas celui que l'on ressent quand on joue entre amis à un jeu de société.

Que vous manque-t-il pour accrocher La grande victoire ?
Je crois avoir fait de bonnes Tables Finales quand je me suis hissé jusque là. Globalement, je ne me reproche pas grand chose dans ces moments là et je n'ai jamais craqué proche du but. Mon objectif, c'est de me remettre dans ces situations profitables et le jour cela passera, ca ne sera que du bonheur. Après, je ne suis ni frustré ni déprimé car je sais que je ne suis pas le meilleur joueur du monde...

Quel a été votre pire moment de joueur professionnel ?
Toutes les fois où je suis allé loin dans un tournoi et où j'ai sauté avant la finale ont été de grosses désillusions en début de carrière. Je me souviens d'un tournoi à Saint Kitts avec une entrée à 6000 dollars. Cela représentait une sacré somme et j'étais très bien alors nous n'étions plus que 27 joueurs. J'ai pris 5 mauvais coups et j'ai finalement terminé 7e. A l'époque, en 2006, l'idée de ne pas savoir quand je me retrouverais en si bonne position m'avait fait très mal. C'était très dur de ne pas savoir si cette chance de gagner gros allait repasser. Maintenant, j'ai plus de recul et je cherche à bien jouer et surtout à ne pas évoluer en dessous de mon niveau. Je sais donc que des chances, il y en a plein et je savoure. J'ai la chance de vivre de ma passion, d'avoir une vie confortable et de rencontrer des gens incroyables...

Le poker reste un plaisir pour vous, vous devez donc avoir plusieurs meilleurs souvenirs...
Il y en a... mais la Table Finale aux WSOP 2010 lors du tournoi No Limit Shootout à 5000 dollars [Nicolas a terminé 5e pour un gain de 92000 dollars, ndlr) reste à part. C'était un tournoi très dur car les meilleurs pros étaient là. Il devait y avoir 350 joueurs de haut niveau et je suis très fier de m'être hissé en Table Finale en jouant mon jeu contre les meilleurs. Je crois avoir fait mes preuves face à des joueurs forts...

Pour terminer, avez-vous des conseils pour bien débuter au poker ?
Tout d'abord, il n'y a pas besoin de beaucoup d'argent pour progresser. Il n'y a pas besoin de se brûler les ailes en franchissant trop vite les étapes, il faut monter de limites petit à petit. Se donner du temps et être patient, c'est obligatoire. Penser que l'on peut tout avoir tout de suite est une erreur. Ensuite, je dirais qu'il faut analyser ses gains et ses pertes en étant juste avec soi-même. Ne pas le faire seul c'est encore mieux. Il faut échanger, demander et discuter avec des amis joueurs ou sur internet.

Quels supports peuvent aider un débutant ?
J'ai débuté avec l'équivalent anglais du Poker pour les Nuls mais je dirais que pour ceux qui veulent faire des tournois, "Kill Elky" est bien. Après, il y a lire et lire. Il est impossible de lire tout d'une traite et de l'appliquer, je crois qu'il faut y aller chapitre par chapitre et jouer entre chaque lecture. Je distingue le savoir du savoir faire. Le poker est un jeu nécessitant un apprentissage qui mélange théorie et pratique. Il faut juste trouver l'équilibre...


Propos recueillis par Matthieu Sustrac pour 20minutes.fr


4 commentaires:

Kof a dit…

Très bon ITW, merci Mat pour cette version longue.

Oliviergrity a dit…

Super interview.
Nicolas Levi a vraiment l'air d'être quelqu'un de sympa et accessible.

Et merci de passer sur mon blog Mat :)

LadyCats13 a dit…

Merci pour cet ITW très agréable à lire. Bizz

mr4b a dit…

je confirme, ce mec est très abordable et tres cool. bravo